Publié le 16/10/2024 par Stocco Antonio
En 1962, Jean-Claude Wittmann découvre le Centre de Recherche sur les Macromolécules (CRM), qui deviendra plus tard l’Institut Charles Sadron, où se tiennent les cours du troisième cycle de Chimie Macromoléculaire. Il rejoint l’équipe du Dr André Kovacs en 1963, pour sa thèse de troisième cycle, qu’il soutient en 1964, ce qui lui permet d’être recruté comme attaché de recherche au CNRS. Il soutient sa thèse d’état en 1971. Elle porte sur les macles dans les monocristaux de polyéthylène. Ce premier travail, très maitrisé quant à son analyse, illustre aussi et surtout le savoir-faire unique de Jean-Claude Wittmann, qui associe des techniques de préparation inventives et une parfaite maîtrise de la microscopie électronique en transmission sur des matériaux très fragiles. Cette double expertise restera sa marque de fabrique dans tous ses travaux ultérieurs sur la cristallisation des polymères. Après sa thèse d’état, il approfondit l’étude des systèmes polymères organisés au cours d’un un séjour postdoctoral à Montréal sous la direction du Pr. St-John Manley. Son travail porte sur les systèmes eutectiques et l’épitaxie dans les mélanges polymère-système moléculaire (poly(?-caprolactone)-trioxane). Ces études permettront de développer le thème central des recherches de Jean-Claude Wittmann dans la suite de sa carrière, à savoir les interactions par épitaxie des polymères cristallisables avec divers substrats. Ses travaux l’amènent notamment, en collaboration avec Bernard Lotz, à comprendre le mode de fonctionnement des agents nucléants, qui permettent de contrôler et d’améliorer la cristallinité et les propriétés (mécaniques, transparence) des polymères semi-cristallins. Une autre de ses découvertes phares est la « décoration » d’un monocristal de polymère par des vapeurs de polyéthylène. Cette technique d’étude originale permet de mettre en évidence l’orientation des repliements de chaînes dans les monocristaux de polymère et de ce fait, met un terme à un long débat dans le domaine. “Last but not least“, lors d’un séjour à Santa Barbara dans l’équipe de Paul Smith, Jean-Claude met au point avec son collègue une méthode élégante de fabrication de films ultra-orientés de poly(tetrafluoroethylene) (PTFE), et publiée dans un article phare de la revue Nature (Nature, 1991, 352, 414-417). Ces films présentent des propriétés nucléantes et d’orientation uniques pour une grande variété d’autres matériaux. Les contributions de J.-C. Wittmann lui valent, avec son collègue Bernard Lotz, une reconnaissance internationale tant dans le monde académique (nombreux projets européens) qu’industriel (collaborations avec Rhône Poulenc, Milliken et Exxon).
Après une première partie de carrière très féconde comme chercheur, Jean-Claude prend à partir de 1997 la direction de l’ICS pour deux mandats - un nouveau challenge. Avec l’aide notamment de Jean-Jacques André, il est l’un des principaux artisans du projet ICS2000 qui corrige l’isolement relatif de l’Institut Charles Sadron au Quartier des Quinze et le relocalise dans un environnement plus adapté, sur le site du campus CNRS de Cronenbourg.
Les intérêts, la curiosité éclectique et le désir de transmettre de Jean-Claude allaient bien au-delà de la science des polymères. Après sa retraite, en 2005, il se consacre plus librement à l’informatique, à la généalogie et aux plantes, thèmes et savoirs qu’il partage et enseigne dans son village, dans le cadre du Club des Ainés, que son dynamisme revitalise.
Jean-Claude Wittmann laisse le souvenir d’un collègue généreux, ouvert aux autres, scientifiquement intègre, toujours motivé et créatif dans ses diverses fonctions, qui restera un exemple à suivre pour les générations à venir.
Jean-Claude Wittmann (droite) et Bernard Lotz (gauche) en train de résoudre une structure de polymère épitaxié.
Texte composé par:
M. Brinkmann, J.-M. Guenet, A. Thierry et B. Lotz